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Traces - Page 2

  • Célébration

     

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    En Chine, le "rituel" de l'automne est sacré, les femmes alors préparent des gâteaux qu'on appelle "les gateaux de lunes" pour la célébration de la fête de la Lune [中秋节 (zhongqiujie) ], une fête traditionnelle célébrée le 15ème jour du 8ème mois lunaire où l'Automne se pare d'une couleur bleu nuit exceptionnelle, éclairant de légendes, quelques préparatifs appliqués, c'est là, en effeuillant un beau livre illustré, qu'on distinguait encore entre toutes, la légende merveilleuse de Chang'E, (anciennement nommée “Heng’E” (姮娥) évocatrice de la poésie de la Dynastie Tang, telle un dessin soyeux qui demeure et figure une belle femme délaissée que Li Shangyin, auteur qui vécut au dernier siècle de la dynastie Tang, en 812 ou 813, et mort en 858) mentionne dans deux de ses œuvres : "Lune de givre" et "Soir de Lune", à une époque où cette dynastie déclinait), mais pour l'heure résumons brièvement la légende:

     


    "Il y a très longtemps, la Terre était entourée de dix soleils, chacun illuminant à son tour la Terre. Mais un jour, les dix soleils sont apparus en même temps, brouillant les mers, desséchant les terres et la végétation. Les gens périssaient. Ce chaos fut sauvé par un courageux et habile archer nommé Hou Yi. A l'aide de son arc, il décrocha les neuf soleils, n'en laissant qu'un dans le ciel. Après cet exploit, Hou Yi fût nommé roi. Il commença à s'enivrer et à se comporter comme un tyran. Un jour, Hou Yi vola l'élixir de longue vie de la Reine-Mère céleste, espérant ainsi devenir immortel et régner éternellement. Mais son épouse Chang'E, ingéra elle-même l'élixir afin de sauver le peuple des lois odieuses de son mari. Une fois la fiole vidée, Chang'E sentit son corps flotter et s'envola jusqu'à la lune. Hou Yin aimait tant sa femme qu'il ne décocha pas la lune [...] 
    Pourtant Hou Yin courut de toutes ses forces après la lune, mais ne put l'attraper alors il fit installer une table à encens sur laquelle il mit des sucreries et des fruits succulents que Chang'E adorait déguster, ainsi exprimait-il la nostalgie de sa femme échappée dans la lune. Après avoir appris cet événement, les villageois installèrent eux aussi une table à encens chez eux  pour vénérer l'esprit de Chang' E à leur tour de bénir cette épouse en allée de leur bon augure et prière de bonheur."A tout jamais séparée de son mari et du reste des humains, elle résiderait à jamais sur la Lune, dans un palais de jade nommé "Vaste froidure", avec pour compagnons Wugang, un apprenti immortel exilé, occupé à abattre un cannelier qui ne cesse de repousser, et d'un lièvre apothicaire du nom de "Lièvre de jade" assisté (selon certains récits), d’un crapaud."

     

     

    Depuis, l'avènement de cette légende, il est un rituel populaire et précieux en Chine de présenter ses vœux à la lune à la mi-automne et cette coutume s'est transmise jusqu'à nos jours. La légende dit encore, en cette célébration, que la nuit si on observe attentivement la lune, on peut apercevoir l'épouse Chang'E vaquant en son palais de jade.

     

    D'ordinaire, sur la terre, chaque famille dresse alors une table couverte de fruits, de cacahuètes assaisonnées avec la poudre de cannelle, de taro et au milieu de la table, il y a encore une pyramide de Yuebing (petits gâteaux de lune). Dans l'encensoir, on plante aussi un brin de soja qui figure le laurier dans la lune. Ainsi quand tout est prêt, chaque membre de la famille doit s'incliner face à la lune, afin de rendre hommage à Chang'e en son palais lunaire. 

     

    On précise formellement (car Chang'e était une femme donc elle appartenait comme la lune au Yin, le principe féminin), que ce rituel ne devrait être célébré que par des femmes, un précepte pas toujours observé. Juste après la cérémonie, l'assemblée réunie, s'installe autour d'une table puis partage les offrandes en faisant la conversation. A la fin, les anciens se mettent à raconter des histoires sur la lune (elle est à cette époque plus brillante, plus ronde et plus belle que le reste de l'année) et les enfants écoutent pour mémoire, la parole des anciens. 

     

    Il est toujours tentant de faire quelques détours en léger décalage à travers l'espace-temps, sur les menus détails entrés en ces récits légendaires différents (à quelques détails près... par exemple, justement évoquons le laurier que l'on retrouve souvent lié à ces rituels, là, un autre enchantement datant d'une autre époque  :

     

     

    "On dit que sur la lune il y aurait un laurier de 5000 pieds de haut. Dans la dynastie des Han, un homme du nom de Wu Gang se livrait à la mystique sans trop se concentrer  sur ses études, l'Empereur céleste en fût très en colère, et le retint captif dans le palais de la lune en lui ordonnant de couper le laurier, il lui dit: - Une fois que tu auras abattu le laurier, tu pourras détenir en toi les arts magiques. Et Wu Gang commença à couper le laurier, mais après chaque coup de hache, les plaies de l’arbre se guérissaient immédiatement, jour après jour et ainsi de suite..."

     

     

    Le désir de Wu Gang n'ayant jamais pu se réaliser, Wu Gang coupa le laurier sur la lune des années et des années, sans jamais pouvoir l’abattre, ainsi des générations futures sont également capables d'apercevoir l’image de Wu Gang qui coupe le laurier interminablement dans la lune. 

     

    Il existe aussi un dicton en chinois qui dit que les mariages se passent dans le ciel et sont tous préparés sur la lune. L'homme qui fait la préparation est le vieil homme de la lune (Yue Lao). Ce vieillard tient un livre avec les noms des nouveau-nés. Il est la seule personne céleste qui connaît les futurs compagnes ou compagnons de tout le monde, et personne ne pourrait contester les décisions écrites dans son livre. C’est une des multiples raisons qui expliquerait pourquoi la lune est si importante dans la mythologie chinoise, surtout au moment du festival de la lune où chacun se promène jusqu'à de hautes montagnes, ou sommets des collines pour admirer la lune, espérant de tout coeur qu'elle exaucera les voeux. 

     

    Pour les amateurs de passages rituels et de voeux exaucés voici les prochaines dates (2015, imminente) où la fête de la lune pourra être célébrée. A ceux qui n'y croient pas, il suffit d'effleurer un peu ces prévisions comme on goûte un poème confié à l'insouciance du cycle des saisons.

     

     

     

    2015: 27 septembre

    2016: 15  septembre

    2017: 4 octobre

    2018: 24 septembre

    2019: 13 septembre

    2020: 1er octobre

     

     

     

    Pour les êtres lunaires amoureux des lueurs laiteuses, intemporelles, ils croiseront peut-être un vieil homme musardant, (surnommé par lui-même "L'immortel banni sur la terre"), en pleine conversation avec son double, le poète magnifique, LI PO (ou LI BAI) buvant seul sous la lune, caressant d'une plume fine, oisive, aussi légère, les feuilles mortes qui voltigent entre le ciel et l'eau, ils pourront se changer en reflets miroitants et courtiser les ombres des petits animaux vivant dans cette lune pareille au bateau ivre qui tantôt nous recouvre, nous perd ou bien chavire et s'en retourne au fleuve bordé de grappes exquises qui protégeaient le chant du passeur solitaire - vieillard extravagant ne trouvant plus asile, ni gâteaux, ni couverts (ni la moindre figure coutumière à qui faire la conversation) - mais sachant s'en réjouir, il lève son écuelle dans la nuit, il célèbre (avec quelque complice de la constellation des gémeaux ou du lièvre), la lune filant liquide aussi claire qu'un printemps, entré dans un poème dont le trait malicieux unit toutes les saisons, la nuit, dans un halo... (va comprendre !).

     

     

     

    Ultime célébration, un extrait du beau livre, "L'immortel banni sur la terre buvant seul sous la lune"  :

     

     

     

     

    Un pichet de vin au milieu des fleurs

    je bois seul, sans compagnon

    levant ma coupe, je convie la lune claire

    avec mon ombre nous voilà trois

    la lune, hélas, ne sait pas boire,

    et mon ombre ne fait que me suivre

    compagnes d'un moment, lune et ombre,

    réjouissons-nous, profitons du printemps

    je chante, la lune musarde

    je danse, mon ombre s'égare

    encore sobres ensemble nous nous égayons

    ivres chacun s'en retourne

    mais notre union est éternelle, notre amitié sans limite

    sur le Fleuve céleste là-haut nous nous retrouvons.

     

     

     

     

     

    Photo : "La lune sur la colline"© Frb 2015.